Ces jardins flottants aux abords du centre-ville sont la grande curiosité d’Amiens. Cette zone marécageuse fut sans doute cultivée dès l’époque romaine, mais la première mention historique de ces hortus (jardins en latin) remontent à 1284. S’en suit une longue tradition horticole, potagère et maraîchère pour ces hortillonnages qui alimentaient la ville en fruits et légumes mais également en tourbe. Puis une période de déclin qui a longtemps semblé inexorable jusqu’à ce que l’on se remette à penser à la place de ces jardins en cœur de ville.
Un site d’intérêt majeur pour le territoire
Le site des hortillonnages présente un intérêt majeur pour notre territoire et plus largement le département et la région ; il est par là au coeur de plusieurs enjeux. Marqueur de l’identité amiénoise et élément fort de l’image du territoire (passé laborieux, paysage d’exception, qualité environnementale), c’est site touristique d’importance avec toutes activités confondues un minimum de 143 300 visites en 2014, tadis que perdure une activité maraîchère traditionnelle avec neuf exploitants et un potentiel de surface à cultiver qui peut trouver une place dans le développement des circuits courts de commercialisation. C’est également un espace d’intérêt écologique (site de niveau européen appartenant au réseau Natura 2000) et une zone humide et aquatique importante pour le fonctionnement hydrologique de l’amont de l’agglomération amiénoise.
Plusieurs évolutions constatées interpellent.
Une certaine déprise constatée sur l’entretien d’une part, du réseau de fossés et de rieux, d’autre part des terrains : 40 % des 67 kilomètres de canaux présentent un envasement avancé, 20 % des terrains sont abandonnés ou en manque d’entretien, tandis que les surfaces maraîchères sont en légère baisse avec une réelle difficulté à les développer tandis que le paysage a tendance à se fermer avec une augmentation du nombre d’arbres de haute tige ainsi la « forêt alluviale» progresse. Malgré les efforts de certains ayant-droits, l’aspect des jardins se détériorent : multiplication des cabanes et des haies dont certaines dans l’eau, réduction des surfaces en potager, relative régression du fleurissement.
Ainsi, le paysage ouvert jardiné et maraicher du site régresse.
Ces tendances constatées doivent motiver à agir de façon à les enrayer au risque de voir le site perdre de son intérêt pour ses usagers réguliers, comme pour ses visiteurs.
Deux dimensions importantes à prendre en compte
La situation du foncier : dans son périmètre communément admis qui couvre 263 hectares, 2 467 parcelles sont partagées par 1 130 propriétaires, dont plus de 700 détiennent le cœur du site c’est-à-dire la partie constituée de jardins entourés d’eau.
Les acteurs publics ou privés sont nombreux partageant l’organisation d’un nombre important d’activités ou y assurant diverses compétences. Cependant, la Communauté d’agglomération du fait de ses compétences mais aussi de son positionnement, se trouve être en position de fédérateur. Position qu’elle a confirmée en animant la charte des hortillonnages, outil de gouvernance rassemblant les 18 structures parties prenantes de la gestion et de la valorisation des hortillonnages.
Ces deux éléments, situation du foncier, multiplicité des acteurs complexifient l’action et doivent être intégrés dans la détermination des solutions et actions.
Un enjeu majeur, l’état du réseau de canaux à traiter rapidement
Son réseau de cours d’eau et d’étangs, qui irrigue sa surface de 265 hectares, constitue un élément essentiel en lui donnant toute son originalité et son côté pittoresque. Quatre acteurs s’en partagent la gestion :
- l’Etat (services de la DREAL) pour l’Avre et ses dépendances (4,5 km)
- le Conseil Départemental pour la Somme et certaines de ses dépendances (8,2 km)
- les propriétaires qui gèrent directement et individuellement 37,8 kilomètres de fossés
- Amiens Métropole pour les 13,9 km de rieux précédemment gérés par l’Association syndicale des canaux d’Hortillonnages en amont d’Amiens dont elle a repris les activités et les actifs en 2000.
- et 2,2 kilomètres de rieux d’usage public qui ne sont pas inscrits au décret daté de 1902 mettant en place l’association syndicale citée précédemment, et gérée auparavant par cette dernière.
La Communauté d’agglomération, assure donc depuis 2000 la gestion de près de 14 kilomètres de cours d’eau en lieu et place de l’Association Syndicale des canaux d’Hortillonnages dans le cadre d’une procédure d’une subrogation devenue substitution.
Les services de l’État nous ont informés de la nécessité, de revoir la situation à deux niveaux : - le cadre juridico-administratif, en demandant à la Communauté d’agglomération de prendre directement compétence sur la gestion des 14 kilomètres de canaux tout en faisant participer financièrement les personnes intéressées aux travaux au moyen d’une déclaration d’intérêt général (DIG). (Ainsi, l’Association syndicale disparaitrait et l’acquittement des taxes serait ordonné directement par notre EPCI sur la base de conditions qui devraient être portées à la connaissance des intéressés lors d’une enquête publique qu’il faudra porter).
- le cadre réglementaire, en nous demandant de réaliser dans les meilleurs délais les démarches visant à réaliser les études nécessaires à l’obtention d’une autorisation « loi sur l’eau ».
À cette situation s’ajoute la perspective de la mise en œuvre de la compétence obligatoire « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » au 1 janvier 2018, confirmée par la récente loi NOTR.Aussi, il convient donc de trouver un dispositif de gestion pérenne sur les plans financier et juridique du réseau de canaux qui intègre les fossés privés.
Une méthode de travail gage de résultats
La situation nous amène à agir sur quatre thèmes :
- le réseau de canaux, garantir la gestion des 67 km à long terme,
- le paysage, enrayer sa fermeture : boisement des parcelles, développement des haies, régression du fleurissement, et sa « cabanisation » : multiplication des cabanes, abandon de certaines, développement de l’ambiance « bidonville » … ; gestion écologique des zones naturelles,
- la valorisation : réfléchir à l’accueil des visiteurs, mettre en place des synergies entre les points d’accueil du public, développer d’autres formes de produits, lien avec le paysage
- la culture maraîchère : maintien et développement des exploitations et des surfaces cultivées